Plénitude
Le jour tremble et s’éteint, mais le cercle du ciel,
Les feuillages nattés, les voûtes odorantes,
Les duvets des oiseaux pleins de brises errantes
Sont encor chauds de vous, soleil torrentiel !
Le soir est un moment de candide accalmie,
Il attend sans avoir souci de son destin.
Puis un astre apparaît, ô nocturne matin,
Est-ce le soleil mort, ou la lune endormie ?
Enfin l’ombre se fait en augmentant toujours.
Je ne vois plus glisser sur mon heureux visage
Les mouvements, les cris, les pas du paysage,
Et l’uniforme nuit m’enferme dans ses tours.
Mais alors c’est de moi que monte et que s’élance
Un univers plus beau, plus plein de passion,
Je suis le sol, la flamme et l’orchestration,
Je foule l’infini, j’embrase le silence,
Et mon cœur est unique, universel, puissant,
Mon esprit est ouvert comme une immense porte,
Je m’attendris, je meurs, je m’exalte, je porte
Quelque chose, ce soir, de divin dans mon sang…
[Anna de Noailles in Offrandes]