Un soir

Mon très cher plus vieil ami,

Bien sûr, je pense à toi tous les jours.
C’était bon d’entendre ta voix, un peu bionique mais c’était tout de même ta voix.
C’est donc bien décidé, plus de chimio, je comprends que tu ne veuilles plus t’infliger cette douleur, c’est ton fameux mektoub qui a régi ta vie, il y a de la cohérence.Je ne peux m’empêcher de penser à tout le chemin parcouru, tu te rappelles tes chaussures rouges ? Le faux téléphone dans la DS, quand tu avais l’impression de conduire un avion ? Notre trip dans les collines alsaciennes, en pleine nature et que nous avons vu un hibou, une biche, aperçu un renard, entendu un sanglier ? De ton voyage en Afrique dont tu es revenu seulement parce que je t’attendais ? Dont tu n’es jamais revenu totalement d’ailleurs, il suffit de prononcer le mot Afrique devant toi pour s’en rendre compte. De la naissance du Pitchoun, comme tu as eu peur parce qu’il arrivait par les pieds, qu’il avait caché une de ses jambes derrière la tête, notre Yogi ? La descente un peu précipitée dans le Sud et la garde à vue à Aix quand je t’attendais dans la voiture ?
Pléthores d’images, toute une vie de souvenirs, beaucoup de rires, quelques sorties de route, et tant d’amour.
Notre magique petite-fille a dormi pour la première fois dans ma maison hier.
Je pense à toi tous les jours, à ta compagne, à cette famille hétéroclite et soudée.
Je pense que personne ne sait autant que toi de choses de moi et peut-être bien vice et versa.
Si j’écrivais un texte sur toi je dirais tous ceux qui t’aiment, je parlerais de ton regard si bleu et si rêveur, de cette naïveté que tu cultives parce que tu veux que le monde soit aussi doux que tu le vois. Je parlerais de ton cher Djaa et de ta façon de parler anglais comme un chauffeur de taxi pakistanais après quelques verres et quelques joints, de ton refrain qui a toujours aidé tout le monde : il faut dédramatiser
J’essaie de m’en souvenir en ce moment.
Je t’aime.
Pour toujours.