Parfois ce n’est pas seulement un chanteur qui meurt, ni même un vieil ami, c’est toute une époque, un univers.
On ne sait jamais trop si cet air de liberté qu’on fredonnait c’était la vie plus simple ou la jeunesse de nos artères.
Bien sûr, je pleure, tous les souvenirs remontent, je pose les bornes de ma mémoire.
La première fois que je l’ai entendu, 1974, j’avais 15 ans, nous étions une fumeuse bande dans un appartement du centre ville de Belfort, quelqu’un a mis ce disque Crabouif sur la platine, et quelque chose s’est ouvert dans mon cœur et dans mon âme, je savais qu’on se rencontrerait.
Cela s’est passé trois ans plus tard dans les bureaux de l’Alsace à Mulhouse, je savais qu’on se reconnaitrait.
La dernière fois que je l’ai vu, c’était chez lui, à Pantin, il y a cinq ou six ans, on a passé un moment dans son bureau à essayer d’écrire une chanson pour son album, mais ça ne fonctionnait pas, je me suis sentie si petite, on s’est bien marré quand même. On s’est arrêté de travailler et on a parlé de l’amour, c’est souvent de cela qu’on parlait, de nos chagrins et de nos bonheurs d’amour.
La toute dernière image que j’ai de lui, c’est au volant de sa voiture, me raccompagnant chez Frangine, le sourire chaleureux, le dernier petit signe de la main.
Entre temps, c’est toute une histoire, toute une vie, parsemée de croisements, au hasard de ses tournées, la porte de sa loge était toujours ouverte, à chaque fois un shoot de légèreté et d’élégance. De magie.
Il y a des êtres dont le départ met comme ça trois tonnes de TNT sous les chaises des poupées,
prive le monde de leur lumière,
mais laisse la poésie plus vivante qu’à leur arrivée.