Aux premiers jours


Ma chère Flore,

Pardonne-moi de ne pas te donner davantage de nouvelles, en ce moment les journées sont beaucoup trop courtes.
Tu sais à quel point ce déménagement est un changement de vie, un remue-ménage de tous les repères. Again. Je regarde dans le dictionnaire la définition de bouleversement, le mot est trop fort, je ne trouve pas la nuance exacte.
Il n’y a de constant que le changement …

Enfin voilà, je t’écris de la terrasse de la maison, sous le préau plus exactement, le chat est assis sur la chaise à côté de la mienne. Weber regarde les infos dans le salon tout neuf avec nos vieux meubles qui font misère dans ce palais. Cela fait quelques jours que nous n’avions plus de nouvelles du monde, je ne les ai pas écoutées, pour l’instant il se passe trop de choses autour de moi, je n’ai pas l’énergie d’aller plus loin que ce cercle restreint.
J’ai la falaise en face, le ciel, des toits de maisons, du vert à perte de vue, semé de champs de lavande. Tu vois de quoi je parle. A gauche c’est le Luberon.
Chaque partie du panorama outre sa constante puissance a son instant magique. Le Luberon, c’est le matin, je le vois de la fenêtre de la salle de bains quand je suis sous la douche, le reste traîne encore un peu dans la nuit mais les premiers rayons de soleil l’illumine comme une star. Avec lui un bout du ciel, bleu électrique.
Pour la falaise c’est au soleil couchant, il y a un instant où il n’y a plus qu’elle sous le projecteur, elle est seule nimbée de lumière, Weber a compté que l’ombre la gagnait en six minutes. Il a parlé de la vitesse de la rotation de la Terre. Pareil quand on a regardé le croissant de lune à l’Ouest du balcon. Nul doute qu’un soir, à l’heure douce et apéritive, quand la fraîcheur revient accompagnée des esquisses d’étoiles, on s’amusera à calculer la vitesse du monde dans notre champ de vision.
C’est une grande maison, elle fait dix fois ma caravane, le chat et moi l’arpentons comme toute une aventure. Je me surprends parfois à marcher dans la pièce principale juste pour le plaisir de marcher dans une maison.
Demain je retourne au boulot, j’ai l’impression à chaque fois de me rendre dans un univers parallèle, pour te dire comme mon présent me captive.
Je te raconterai plus tard, je vais me coucher, en ce moment la fatigue gagne un peu la partie.
Vie douce à toi et les tiens.


P.S. Je sais que tous tes enfants ont un Q.I. exceptionnel, mais tout de même 20 en philo au bac !!! Dis-moi au moins à quel sujet.