Elle est assise, seule, dans la salle d’attente, un miroir en face d’elle.
Elle a tout le loisir de se regarder, réalise que cela fait longtemps qu’elle n’en a pas pris le temps. Elle découvre une vieille dame dans la glace. Elle le savait, elle ne s’était pas perdue de vue à ce point, mais cette réalité lui saute aux yeux avec une soudaine violence.
C’est à cause de l’époque si déroutante, la réalité a sauté à la figure du monde entier.
Sous la forme d’un virus qui dicte sa conduite à toute la planète, comme une nouvelle religion.
C’est pour ça qu’elle voit la vieille dans le miroir, à cause de l’instant T de l’humanité.
Bien sûr que tout cela se vit autrement avec 20 ou 40 ans de moins.
Le futur l’a rattrapée avec les cheveux blancs.
Comme ce n’est rien une vie, te voilà avec une tête de vieille dame, constate-t-elle.
En se dévisageant elle trouve étrange que ça ne se voit pas davantage comme elle a été jeune, belle, heureuse, comme elle l’est encore : heureuse, amoureuse, aimée, aimante. Elle ne voit que ce visage qui semble appartenir à une autre, une séniore qui se fait passer pour elle.
Elle se sourit, c’est une drôle de blague, trop tard pour mourir jeune.
On en voit dans une vie… Elle pense aux évènements qu’elle a vécu en direct et qui ont changé la marque du temps, qui ont eu un avant et provoqué un après : l’homme sur la lune, la chute du mur de Berlin, le 11 septembre, Charlie Hebdo, Le Bataclan, le confinement…
Elle en fait la liste à haute voix, si curieuse de la suite.
Vu son âge, personne ne s’étonnerait de la voir se parler seule dans une salle d’attente déserte.
Ça a ses avantages.