Il y en a peu mais je les reconnais à la première phrase, il traîne toujours une intonation, l’accent de mon enfance.
J’ouvre l’onglet contact et je regarde d’où ils viennent.
A tous les coups, ils sont voisins de chez moi.
– Moi aussi je suis Franc-comtoise.
Et nous discutons, de notre contrée, des villages que l’on connaît.
De tout ce que j’ai quitté il y a quarante ans, par hasard, pour un ciel bleu, une lumière sans pareil, un rythme qui me va, un autre peuple.Ça ne manque pas, le client du 168, avec son fils, ils sont de Pontarlier. Tout près de l’origine, les villages de mon père et ma mère.
On parle du Haut-Doubs. En général, je cite d’abord le village de ma mère, il est plus connu, il a des pistes de ski et 700 habitants, sept fois plus que celui de mon père, et puis j’aime bien le dire, il fait toujours rire les enfants : Arc-sous-Cicon.
Le client connaît bien, alors j’ajoute le village paternel, à 10 km de là : Hautepierre-le-Châtelet.
Et facétie du hasard, le client vient précisément de là, de ce bout du monde, berceau familial.
Il connaît ma tante Geneviève, ma cousine Annie, a connu mon oncle Denis et l’oncle Paul. Il m’apprend que mon cousin Claude est mort.
Je pense à la phrase de mon fils, « je suis très famille mais ma famille n’est pas famille ».
Il me parle du village, fait ressurgir des paysages, des souvenirs profonds, me rappelle l’existence de la roche d’Hautepierre qui domine le village et où nous grimpions une ou deux fois par an pour voir toute la vallée. Elle résonne tout à coup très fort avec la falaise que je contemple chaque jour.
Le client passera le bonjour à ceux de ma famille, j’ai le regret de ne pas avoir gardé le lien, ma vie était trop compliquée, mais on le sait bien les raisons ne sont pas des excuses.
Ma vérité est que je n’ai ni rompu ni renié les liens, je n’ai oublié personne, je suis juste partie un peu trop loin…