A l’aube de mes 6,5 décennies


Le sentiment de vieillesse
Nancy Huston

Oui. Je trouve que j’ai eu une vie magnifique. C’est comme si j’avais fait de l’alpinisme avec la face de la montagne toujours là, devant les yeux. Et petit à petit, ces dernières années, je me trouve en haut de la montagne, avec une vue resplendissante dans toutes les directions. Je vois les décennies que j’ai traversées, les forêts, les lacs et les villages. C’est assez extraordinaire d’avoir cette perspective sur le temps. D’avoir rencontré des gens bébés et de les connaître adultes, d’avoir suivi le vieillissement et la mort des proches. D’avoir vu les temps changer, l’époque changer, les vocabulaires se transformer.
Comme je suis écrivaine, je suis en permanence à l’écoute du monde. Et c’est une chance fantastique d’avoir sept décennies de réel à ma disposition.
…/…
Cela fait un bien fou de se réveiller le matin en se considérant tout simplement comme un animal, un être vivant qui a le droit de circuler, respirer, manger, aimer, dormir le soir, vivre et mourir comme tous les animaux l’ont toujours fait, sans justifier son existence à chaque seconde. On naît et on meurt, c’est juste normal, il n’y a rien de dramatique là-dedans. Nous autres humains avons une idée hypertrophiée de notre importance.

Il faut que je te raconte


Nous avons passé un dimanche sur une autre planète.
Nous étions de barbecue chez une milliardaire.
Nous ne connaissons pas de milliardaire mais nous connaissons des régisseurs de domaines, des gardiens de châteaux, des cuisinières de grand bourgeois.
Beaucoup de nos amis ici vivent de services rendus, ce qui nous permet de passer du temps dans de somptueux endroits, car, comme le monde est bien fait, les riches ont par définition plusieurs maisons, en habitent une seule à la fois, laissent donc les autres vivre d’autres aventures.
C’est nous les autres aventures, les gueux qui se réjouissent dans les palais.
Non, en vrai, je ne le vois pas comme ça. La lutte des classes n’est pas mon combat. Chacun sa vie, chacun ses bonheurs et ses ennuis, le monde et l’humain sont ce qu’ils sont.
On peut faire mieux, dans l’organisation générale, certes, mais déjà que ce ne soit pas pire.
On l’a déjà vu.
Donc c’était barbecue chez milliardaire invités par B., régisseur en chef. (suite…)

L’oiseau-roc


L’oiseau chaque jour tente de faire son nid dans le projecteur sous le préau
les brindilles glissent, tombent, maculent le sol
fi, il recommence
il prend ses aises
essaye les dos des chaises
regarde en couleur tomber les brindilles
puis recommence
porte avec lui, Sisyphe joyeux
un mouvement printanier
chante la chute des brindilles
recommence
dans une sorte d’absolu
l’oiseau veut habiter cette maison
il ne sait pas
pour le chat

Message perso d’Happy anniversaire


Mon très cher plus vieil ami
elle est classe cette bougie que tu souffles aujourd’hui
jolis chiffres sur le gâteau
ce huit comme l’infini en verlan
et l’autre, il paraît que c’est le chiffre de l’homme, avec ses quatre membres et la tête, tentant d’atteindre le divin
Jah in you forever
je te vois sourire
(tu vas sourire encore plus, j’arrête d’écrire un instant, soufflée par le fait que passe à cet instant précis un reggae sur Fip (The Gladiators-Bellyfull, pour être précis) –
Connected people…)
Je te sais en bonne compagnie
Je m’y joins de tout mon cœur
Love sur toi

P.S. L’autre jour j’écoutais les interviews à voix nue de Laure Adler (clique ICI si tu veux écouter), je pense qu’elle te plairait bien, une sacrée nana, mais surtout la punchline d’un autre monde, enfin de celui-là justement : un seul âge, vivante…

Bricolage

Tu naquis d’un bricolage
Du génial univers
Par étranges combinaisons
Par surprises et par liaisons
Tu devins Toi plutôt que mouche
Plutôt que zèbre souris lion

Surgi du magma des possibles
Et de la souche de toute vie
Tu devins Toi
Unique au monde
Face à l’éphémère défi.

[André Chedid in Rythmes – Ed Gallimard]

De l’amour


Rome chaque jour avec toi
les regards sentiments
la vie que l’on arpente
nos doigts entrecroisées
les merveilles sous nos yeux
un empire tout entier
à portée de nos mains

Pour dire


Vous me pardonnerez mes absences
les mois qui viennent requièrent mon temps et mon énergie ailleurs
un Boukin à finaliser, quelques poèmes à écrire pour une parution
sans compter le travail alimentaire
Je passerai de temps en temps
pour vous dire
comme toujours
Fierté et solidarité
Vie douce à tous

(suite…)