La voie est libre


Dans le wagon huit du train au nom imprononçable, il me semble que c’est l’année, Hélène, où tu as quitté ta caravane, quelqu’un que personne n’a jamais pu identifier, je soupçonne le personnel comme les voyageurs de n’avoir pas vraiment essayé, passait invariablement « Five hundred miles » en boucle. Au moment du refrain, la fée Clochette touchait de sa baguette la vitre teintée du compartiment et Joan Baez apparaissait, humble, simplement belle, avec ses yeux de ruisseau, madone en robe gris foncé tombant à l’amble du genou. « If you miss the train I am on, you will know that I am gone ». Comment aurions-nous pu louper le train de Joan ?

– Tu sais, en vérité, je n’ai jamais quitté ma caravane. Je suis comme toi, Jean, du voyage. C’est trop tard pour que j’apprenne à fermer une porte à clé. J’ai vendu mon âme au vent. Je ne m’excuserai pas de ma vie heureuse. C’est cela que balaiera le nouveau, cette idée que par respect pour ceux qui souffrent, pour ce qui souffre en nous, nous devrions voiler nos visages et nos éclats de joie. Comme si nous ignorions la portée de nos rires, l’éphémère de la situation. Chacun veut imposer quelque chose au monde . Je demande la légalisation de la douceur.

La voie est libre – Avec Jean Azarel – Editions Douro]