Des êtres sur votre route
que vous oubliez quand elle bifurque
un avis de décès les fait revenir
pour honorer leur mémoire et leur compagnie
vous vous souvenez
On l’appelait Pierrot le Sanglier
j’ai imaginé plusieurs raisons à ce surnom
d’abord pour le distinguer d’autres Pierrot
peut-être de Pierrot le fou ou de Pierrot de la lune
le distinguo, pour ce dernier, n’est pas sûr
terrien de physique et d’âme, je crois que son esprit cependant fréquentait quelques étoiles
côtoyait le ciel, de jour comme de nuit
une autre hypothèse est ce côté terrestre de pleine nature, trapu, sauvage, habitant des forêts et des vignes
ou alors, pour finir, si je me souviens bien, nous étions de la même année
celles des sangliers chinois
je ne saurai jamais
ou si
Il sculptait le bois
n’en faisait pas toute une histoire
nous en parlions vaguement
il faut le dire
plutôt taiseux
taciturne
avec comme nous tous
des ombres au tableau
mais lumière dans le regard
et sourire de gosse
On ne voyait pas grand-chose de tout cela
occupés à partager notre jeunesse
en amitiés des fêtes et des musiques
à griller nos cartouches en instants flamboyants
on ne se connaissait pas si bien
on se ressentait
je crois que c’est comme ça qu’il fonctionnait
et je vois aujourd’hui
que ce n’est pas quelqu’un que l’on oublie
Bonne route, le Sanglier
Merci
P.S. Un souvenir commun
Vivez heureux aujourd’hui, demain il sera trop tard
[Jacques Higelin – La ballade de chez Tao in Higelin ’82 – Editions EMI Pathé Marconi]