Marie m’a dit (2)


Je suis gentille. C’est ce que tout le monde dit : Marie, elle est gentille, et douce.
Je crois que je préfère.
Ce n’est ni plus ni moins confortable qu’autre chose.
Je l’ai sans doute choisi, il y a longtemps, maintenant je ne saurais pas faire autrement.
Bien sûr, deux ou trois personnes sur Terre savent que ce n’est pas une vérité absolue, cela reste une réalité, je suis gentille.Ce n’est pas quelque chose facile à dire, on y accole tout de suite des images de pauvre pomme ou poire. J’essaye d’en faire ma force, ça marche ni plus ni moins qu’autre chose.
Je me heurte quelques fois au mépris des souffrants, ceux pour qui la gentillesse est une faiblesse. Je comprends, certains vivent des blessures qu’on ne peut pas guérir, des colères qu’on ne peut pas apaiser.
Il faut dire que le milieu dans lequel j’évolue n’est pas très hostile. Il n’ignore pas les drames et déboires du monde, mais se fait une vie plutôt douce.
Ça n’exclut pas l’accident, la maladie, la douleur, la mort et tout le bataclan, c’est peut-être un peu moins difficile quand l’environnement est paisible.
J’ai chaque jour sous les yeux un paysage, une lumière, de pays enchanté.
C’est sans doute un privilège, que l’on m’en excuse, je ne prends rien à personne.
Je vis aussi heureuse que je peux. Je le répète ça ne masque pas le glauque et le sombre, c’est seulement mettre le focus sur les good vibrations.
Je suis gentille, je n’écarte pas la possibilité d’avoir tort, mais je ne me sens pas pour autant plus stupide qu’un.e autre.
Bien sûr, il faut parfois se défendre, j’ai eu et j’ai ma part comme tout le monde, c’est bien de savoir que la gentillesse peut être une arme aussi.
Disons que je ne survis pas plus mal en étant gentille. Surtout avec l’âge. Un respect naturel anime les humains envers les vieilles dames. C’est cool.
J’observe également le dédain de certains créateurs inspirés par la tourmente.
Qui changera les choses ? Cellui qui dénonce et raconte les ombres et les horreurs ou cellui qui développe et tente de répandre du peace et du love ?
Evidemment les deux, mon Capitaine, ça aussi c’est bien de le savoir.
Je n’habite pas au pays des Bisounours, n’empêche que dans ma vraie vie je côtoie très peu de connards.
Je crois que je préfère.
J’aime mieux rester gentille.