Un soir d’après


Mon très cher plus vieil ami,

Je reviens de la grande fête de notre petite-fille.
Je ne suis pas encore redescendue. Trois jours hors du temps, dans un cadre de carte postale, cinquante personnes réunies pour l’amour d’une petite fille rieuse et de ses fantastiques parents.
Des émotions, des rires, des jeux, à manger, à boire, tout à profusion.
Des retrouvailles, toute ta famille, tes filles, tes petits-fils, ton frère et sa moitié, que je n’avais pas vus depuis longtemps, des accolades, des conversations, et des rires et des rires.Tu t’en doutes bien, c’était magique, pas une fausse note dans l’harmonie.
Sauf ton absence.
Enfin disons plutôt ta non présence physique parce que tu étais loin d’être absent.
Tes petits-fils étaient tous là, sauf le footballeur canadien, ce sont vraiment de superbes personnes. J’ai passé beaucoup de temps avec cette bande de trentenaires, tes petits-fils, mes fils et beau-fils, mes nièces et neveux, les cousins, sœur et cousines de notre bru, nous avons joué jusqu’aux heures avancées de la nuit, pour eux au rhum, pour moi au champagne (j’ai un rang à tenir).
Je suis sûre que cela se retrouvera sur les photos et vidéos que tu verras, cette douceur, ce cadeau de famille. Cet instant que tu vis pleinement en sachant que tu t’en souviendras toute ta vie.
Après, il faut retrouver le cours des choses, les jours ordinaires, ce n’est pas chose aisée, surtout que j’ai fait un peu la maligne à me coucher si tard et me lever tôt pour ne pas perdre une miette, j’en paye le prix, je sais qu’il me faudra plusieurs jours pour m’en remettre, c’est comme ça maintenant mais la belle énergie partagée qui emplit le cœur et l’âme vaut bien quelques jours de grande fatigue et crâne malmené.
Je regardais tous ces enfants, que nous avons connus petits, devenus adultes, certains parents, je pensais à toi, l’aîné de nous tous, et je me disais que d’une façon ou d’une autre les plus âgés montrent des voies, donnent le ton d’une famille. Et que notre devoir envers ceux qui suivent est bien de chasser le dépit ou l’amertume dans lesquels il est si facile de tomber.
Le Voyageur est venu dormir à la maison, il repart en Géorgie dans deux jours, je trouve que c’est bien trop près de la Russie et de la folie de Poutine mais les enfants font leur vie. Il me dit en riant qu’au premier char qu’il voit il rentre en France. S’il reste un moment, nous irons voir Weber et moi ce qui le charme tant dans ce pays.
La nuit tombe tôt maintenant, les soirées se rafraîchissent, bientôt viendra le moment qui sonne le glas des beaux jours, celui où il faut remettre des chaussettes.
Tu te souviens des chaussettes rouges de ce type à l’arrêt de bus à Mulhouse qui nous avaient provoqué un formidable fou-rire, nous étions avec Chantal ? Je me demande pourquoi nous avions trouvé cela si drôle, peut-être qu’à l’époque c’était très incongru. Pour être honnête, il faut dire que l’herbe que tu avais ramené d’Afrique était d’une qualité exceptionnelle.
En parlant d’époque, cette réunion de famille m’a semblé un vrai reflet de celle où nous vivons qui, quoiqu’en dise les grincheux, fait preuve de bien plus de liberté et d’ouverture. Outre le mélange des âges qui est toujours d’une grande richesse, il y avait aussi celui des couleurs de peau, toutes mêlées, et puis trois couples de garçons de trois générations différentes, dont un de parents d’une petite fille joueuse et gaie. C’est indéniable, le monde avance.
Je te raconterai de vive voix, je pense passer te voir d’ici la fin du mois.
Force, amour et douceur, à toi.