La voie est libre

Ce récit – à deux voix en « repons » – parle des trains d’Hélène Dassavray et de ceux de Jean Azarel (enfin presque), de nos mères et des madones des sleepings, des dactylos rock chères jadis aux Chaussettes Noires, de Marianne Faithfull, de la poésie ferroviaire, des transports noirs, des amours impossibles et des amours trop rapides, de Blaise Cendrars et des fantômes de quelques disparus au bout des quais…
Après Les femmes fatales sont-elles mortelles et Waiting for Tina, les deux auteurs ouvrent d’autres voies. Elles ne sont pas de tout repos. Mais il s’agit  d’embarquer en des sortes de trains fantômes avec élégance et désinvolture, même au nom de l’amour pour celles et ceux que nous laissons sur le quai.
La mère s’en va, elle est oubliée pour une autre femme. Les mots semblent faire de même sauf ceux qui accompagnent dans des trains de nuit qui mènent à travers les plaines, cheval de fer et locomotive d’or.
Une vitesse fleuve emporte dans cette divagation au bourdonnement zigzagant. Certains somnolent au lait de l’enfance, partis à la nuit claire à la recherche d’une présence d’une dame à l’âme endormie. Les corps ont leur raison que la raison ne connaît pas au moment où  le gel fige les limites du cœur  à ce qu’elles sont : une existence comptée. C’est un constat de trop de logiques ou de pas assez de bogies : mais il faut poursuivre encore.

jean-paul gavard-perret [in lintern@ute]

Une autre lecture de jean-paul gavard-perret ICI

 

La voie est libre


Dans le wagon huit du train au nom imprononçable, il me semble que c’est l’année, Hélène, où tu as quitté ta caravane, quelqu’un que personne n’a jamais pu identifier, je soupçonne le personnel comme les voyageurs de n’avoir pas vraiment essayé, passait invariablement « Five hundred miles » en boucle. Au moment du refrain, la fée Clochette touchait de sa baguette la vitre teintée du compartiment et Joan Baez apparaissait, humble, simplement belle, avec ses yeux de ruisseau, madone en robe gris foncé tombant à l’amble du genou. « If you miss the train I am on, you will know that I am gone ». Comment aurions-nous pu louper le train de Joan ?

– Tu sais, en vérité, je n’ai jamais quitté ma caravane. Je suis comme toi, Jean, du voyage. C’est trop tard pour que j’apprenne à fermer une porte à clé. J’ai vendu mon âme au vent. Je ne m’excuserai pas de ma vie heureuse. C’est cela que balaiera le nouveau, cette idée que par respect pour ceux qui souffrent, pour ce qui souffre en nous, nous devrions voiler nos visages et nos éclats de joie. Comme si nous ignorions la portée de nos rires, l’éphémère de la situation. Chacun veut imposer quelque chose au monde . Je demande la légalisation de la douceur.

La voie est libre – Avec Jean Azarel – Editions Douro]

La voie est libre

 

Merci de voyager sur notre ligne,
pour les consignes de sécurité,
chacun se débrouille comme il peut,
nous ne pouvons rien garantir.
Les garçons doivent être forts,
et les filles belles.
Les vaches seront ainsi bien gardées.
Au lieu de regarder les trains passer.
Ce monde devrait tenir compte de nos larmes.
C’est le train de Cendrars,
et toujours une femme.
La petite Jehanne de France
répète inlassablement
son refrain au rythme des essieux :
Blaise, dis, sommes-nous bien loin de Montmartre ?
Elle tient son rôle dans le poème,
pute et soumise.
Les muses n’ont pas de fierté,
elles ont les bras ouverts à la pointe du bastingage.
Elles préparent le monde,
le jour où il laissera se déployer
la force des femmes.

[ La voie est libre – Avec Jean Azarel – Editions Douro]

En librairie en juin

 

C’est une drôle de sensation ce livre. Il a été écrit en 2018. Depuis, pas mal de trains sont passés sous les ponts, des grands changements, publics et privés.
Pourtant il n’y a pas tant de phrases ou de vers que j’écrirais autrement. (suite…)

Rendez-vous


Deux livres la même année
ça ne m’était encore jamais arrivé
des univers parallèles
qui se répondent peut-être

Bientôt La voie est libre
avec Jean Azarel
aux éditions Douro
dans la collection La diagonale de l’écrivain (j’aime bien)

Un extrait par ICI

30/11/19

Compagnons de voyage impromptu,
descendant à la prochaine,
ou la suivante prochaine,
chacun dans le secret de son cœur relativise sa propre réalité.
Enfin, je crois.
Parfois un mot, une phrase, un vers, passe la carapace,
traverse à cloche pied les traverses, file sur le bon rail –
résonne intra-muros.
Parfois un mot, une phrase, un vers, réunit l’ensemble.
Pour un instant d’une fugacité inouïe. Et palpable.
C’est ce qui nous tient debout : les mots qui passent la carapace.
Enfin, je crois. (suite…)